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En hiver 2013, sur le mont Guemba, dans la région de Transcarpathie, un lieu est apparu qui a commencé à attirer des voyageurs comme un aimant. Pendant longtemps, les locaux ne parvenaient pas à comprendre le secret de son succès, car aujourd’hui, il n’existe aucune publication dans les medias là-dessus et nous n’avons pas trouvé une photo de l’époque de sa construction. Ici, on ne pense absolument pas à la publicité et à la nouvelle clientèle sachant qu’il y aura toujours les « siens » ou ceux qui y viendront par hasard par accident lors d’une tempête de neige ou d’un orage et découvriront l’ambiance décontractée du mont si tempétueux.

En 1949, d’après un ordre de Staline, les scientifiques soviétiques commencent à travailler sur la création de conditions pour des cultures tropicales méridionales au nord et pour des cultures septentrionales au sud. En Transcarpathie, Viktor Sotchava, un académicien connu, dirige la culture des agrumes, des théiers et de l’eucalyptus parmi lesquelles seulement les théiers s’adapteront à la terre. Une plantation de 50 hectares s’étale donc sur le mont Tchervona, près de Moukatchevo, avec des plans d’agrandissement jusqu’à 1000 hectares. Mais, ce sera finalement la viticulture qui occupera le reste du terrain.

Actuellement, la seule plantation de théiers en Ukraine est en voie de disparition. Dans les années 60 du siècle précédent, on y récoltait jusqu’à 1300 kg de feuilles de thé par hectare, tandis qu’aujourd’hui on reçoit à peine 1,5 kg issu de deux récoltes annuelles. Jusqu’à récemment, ce terrain de théiers était le seul en Europe et le plus au nord dans le monde. Il a perdu ce statut quand on a commencé à planter des théiers en Angleterre, en Écosse et en Allemagne, informe l’office de tourisme et d’information de Moukatchevo.

De nos jours. Des touristes expérimentés consultent ceux qui planifient leur séjour en Transcarpathie. Parmi les lieux à visiter : la cascade Chypite, le festival qui porte son nom, le télésiège à Pylypets, le village de Volovets et le salon de thé « Souriya » où les propriétaires sont originaux au moins dans le sens qu’ils ont évité de faire de ce lieu une banale cabane de montagne.

Il n’y a ni de tablettes de chocolat, ni de boissons alcoolisées, ni de cacahuètes chimiques provenant de magasins. Ici, on ne fait ni côtelettes ni pelmenis ; l’établissement est végétarien. Au lieu des plats traditionnels comme le banoch et le tchanakhy on a des crêpes, des biscuits et des boissons chaudes. Mais, qu’ils sont bons ! Le sbitène, le masala chai, le thé au gingembre… Le lait et le fromage nous sont délivrés de Pylypets, les baies et les champignons proviennent de la forêt. Le feu brûle dans la cheminée, on sent l’odeur de bois. Mais, le trésor principal de ce lieu c’est la vue de la fenêtre.

L’enfance. Le début.

C’est Yulia Omelchenko. Maintenant, elle est encore une enfant. Sa grand-mère ramasse le thé et colle des sacs en papier à la réunion de sa grand-mère avec une incroyable curiosité pour l’aider. De nombreuses années passent et elle se demande : « Qu’est-ce que tu veux faire? » Et elle se répondra qu’elle ne peut que créer un lieu avec une atmosphère.

Pendant longtemps, Yulia se rend aux ethno-festivals avec un salon de thé « itinérant » et a son propre buffet théâtral au DAKH Theatre. Son thé devient une sorte de complément à chaque événement musical majeur ou production “de toit”. Mais elle est constamment à la recherche de quelque chose de nouveau pour incarner son amour d’enfance pour les herbes et les thés.

Gobelet en plastique inspiré

Déjà à l’âge adulte, Yulia vient à la montagne, comme tout le monde, pour se détendre de la ville et respirer l’air frais. Debout au sommet, admirant le paysage et buvant son thé fraîchement acheté à des commerçants locaux dans une tasse en plastique, à ce moment, l’idée lui traversa l’esprit: Et que se passe-t-il si juste à l’endroit où il se trouve maintenant – pour créer quelque chose où vous pouvez boire du thé non pas en plastique, mais avec de bons ustensiles pour profiter du goût de la vraie herbe ou des baies, qui dans cette région pousse juste sous les pieds, et pas importés de second ordre? Cela prendra un peu de temps et ces abstractions autour d’une tasse de thé en plastique se transformeront en un projet réussi, avec du thé naturel, avec de beaux plats et, bien sûr, l’ambiance.

Yulia se souvient quand elle a finalement décidé que le thé devait exister – elle a invité deux de ses amis dans l’entreprise.

– J’ai dit : j’ai une telle idée. Je ne sais pas comment ça va finir, ce qui va se passer. Êtes-vous prêt à m’accompagner? Ils ont dit, oui, nous sommes prêts. Mais ils pensaient que je plaisantais. Le matin, je suis allé chercher les propriétaires de cette terre. J’ai accepté de louer et nous avons commencé.

L’ouverture était prévue pour le 1er janvier 2014, il restait donc exactement un mois pour la construction. C’était extrêmement froid, mortellement dur et incroyablement intéressant.

– Quand les gars sont revenus à la maison et ont apporté des vidéos de la montagne sur la façon dont tout se passe, cela ressemblait à un goulag. Juste un ruisseau de neige. Et les gens, couvert, essaient de se passer ces planches. Le vent était tel qu’il a déchiré le clou de deux cents. La planche a été arrachée et emportée quelque part par le vent. C’était d’une difficulté irréaliste. De plus, nous avons eu une relation tendue avec l’administration du téléphérique. Ils ne nous ont pas toujours laissé entrer. Je devais souvent monter les escaliers. En montant la montagne avec mon fils Mitra dans mes bras, je me suis posé la question: que se passe-t-il ? Pourquoi j’y vais de toute façon? J’ai compris que je voulais le faire. J’ai vu cela comme un frisson incroyable.

Le 31 décembre, la construction était terminée. Mais les surprises ne se sont pas terminées :

– Le 31 décembre, nous avons à peine trouvé une voiture dans le village pour démarrer tout le matériel sur la montagne. Je suis entré dans cette pièce et j’ai pensé: Dieu. Que faire ensuite? Un tas de boîtes avec du matériel. Ustensiles. Tas de débris de construction. Il fait froid et le réveillon du Nouvel An commence. Nous avons lentement commencé à tout mettre sur les étagères. Et à 12 heures, nous avions un espace tellement fabuleux que ma langue a été enlevée. C’était comme si je l’avais toujours connu. Mais ici, il est finalement apparu. Nous nous sommes tenus près de la fenêtre avec des lunettes. En bas à Pylypets, des feux d’artifice ont éclaté, et nous nous sommes tenus sur la montagne et avons regardé l’aube. J’ai réalisé que je suis prêt à donner tous mes efforts, tous mes investissements pour ce réveillon du Nouvel An. Dans cette humeur, nous étions là comme des chats pour dormir. Nous avons fait un chevauchement là-bas pour pouvoir dormir. Et dès le matin même du 1er janvier, nous avons été simplement pris en charge. A la porte du salon de thé comme une vague de l’océan, une bande de touristes s’est cassée. C’était quelque chose. J’ai dû me lier d’amitié avec ce poêle qui ne fondait jamais. Il était si capricieux au début. Quand un groupe de personnes est devant vous. Et vous n’avez aucun processus de préparé, vous ne savez même pas où se trouve quoi que ce soit.

— Tout était cuisiné au feu de bois. Une tâche spécifique a été donnée à Dima, le fumiste, et il se sentait même incapable de s’ateller au projet. Mais, il a retrouvé du courage et a tout fait. Il était déstabilisé par le fait qu’il fallait y installer un récipient. Il devait y avoir aussi du sable où on préparerait du café et une cheminée à part qui chaufferait, juste pour faire beau. Il fallait prévoir aussi de l’espace pour sécher la vaisselle. Il y avait des nuances pareilles, mais il est parvenu à tout réaliser. La seule chose : il ne m’a pas fait une couchette dessus pour que je puisse y dormir.

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D’ailleurs, Youlia a ramené le premier sable pour le café dans son sac à dos de la Géorgie. Elle se souvient en souriant le passage du contrôle douanier où elle devait expliquer à quoi lui servait ce sable, car c’était du sable magnétique noir qui provoquait la réaction de tous les appareils de sécurité. Actuellement, le café est préparé sur deux sables : l’un géorgien et l’autre provenant du Gange, un mélange noir et blanc explosif.

Après l’ouverture du Nouvel An, quand les foules de touristes diminuaient progressivement, l’équipe de l’établissement a décidé de rester et ne pas descendre la montagne pour une semaine afin de récupérer des forces, optimiser le travail et créer des schémas de travail logiques. Le moment le plus agréable, dit Youlia, était lorsque les gens ont commencé à venir et proposer leur aide : des locaux, des gens inconnus.

— Pendant ces 3 années, nous avons eu beaucoup de gens pareils, mais il y en a aussi beaucoup de ceux qui travaillent constamment. Ils se remplacent de temps en temps. Ce sont des gens fantastiques. Je ne sais pas comment motiver quelqu’un si tout d’un coup quelque chose se passe et cette personne doit prendre une décision nécessaire pour l’établissement. Ces gens, après dix heures de travail, descendent la montagne et remontent ensuite à pied. Parce que c’est nécessaire là-bas, en haut. Comment peut-on motiver quelqu’un d’aller chercher de l’eau quand il neige. C’est de la neige qui te fait plier. Avant de sortir tu te dis : « Allez ! Un, deux, trois et j’y vais… Non, encore une fois… Un, deux, trois ! » Et là, tu ouvres la porte et une énorme vague d’air te repousse. En décembre, il y a des vents très forts. C’est dans ces conditions que le personnel va chercher de l’eau. Nous la prenons d’une source. Elle se trouve plus bas que le salon de thé. Nous avons essayé de la faire couler jusque chez nous, mais sans succès. Et c’est chaque jour comme ça, au moins 100 ou 200 litres par jour, parfois même plus. C’est un travail très dur. Les plateaux, cela sert rarement surtout quand il neige. Tu dois marcher avec tes jambes noyées jusqu’aux genoux dans la neige. Et c’est chaque pas comme ça.

Youlia explique comment le salon de thé change et comment change quotidiennement le personnel y travaillant. Mais, le plus intéressant c’est que le salon de thé a forcé les commerçants locaux à bouger un peu plus et revoir leurs possibilités.

— Lorsque nous sommes venus ici, les locaux faisaient du « Lipton » et vendaient des chips et du chocolat. Au départ, ils ont pris une position très hostile par rapport à nous car nous étions d’ailleurs. Ils n’arrivaient pas à nous scanner ou lire. Nous n’entrions dans aucune de leurs conceptions. Et si c’était le cas, le lendemain il se passait quelque chose qui détruisait toutes leurs représentations du monde. Ils ont essayé de parler mal de nous, de raconter des choses horribles sur nous aux touristes. Mais, cela ne s’attachait pas à notre image car tout était faux. Nous n’étions jamais fâchés contre eux, je continuais à acheter des choses chez eux et établir la communication. Je leur disais que brûler le plastique ce n’est pas, disons, obligatoire. Il fallait parler « leur » langue et la langue de leurs autorités. Pour cette raison je leur disais : « S’il vous plaît, si vous avez Jésus sur le mur, ne brûlez pas du plastique. »

Interaction avec la population locale

Maintenant, personne n’est étonné qu’après avoir eu froid sur le télésiège, tu montes sur la montagne et une maisonnette chaude et confortable te salue où on te nourrira et donnera à boire. Il paraît qu’elle y était depuis toujours. Mais, à l’époque, le légendaire salon de thé a dû lutter pour sa place au soleil.

— Un détail intéressant : au départ, pendant les saisons de myrtilles, les locaux vendaient des airelles rouges, des myrtilles. Mais, lorsque les touristes arrivaient, il fallait bien sûr leur donner le meilleur ce qu’ils avaient. Ils pensaient que personne n’était intéressé par les fruits des bois. Donc, cela devait être au moins du « Lipton », quelque chose de classe. Pour eux, notre travail consistait au ramassage de l’herbe et vente du foin pour l’argent. Et maintenant, eux-mêmes ont des listes de prix : thés à l’airelle, à la myrtille, à la fraise de bois, à la framboise, à la mûre, aux sirops différents. Ils ont commencé à faire des gâteaux. Et c’est très bien, c’est de la concurrence. Juste après mon arrivée, je me rappelle, ils avaient un gâteau aux myrtilles. Je l’avais goûté et, le lendemain, quand je suis revenue il n’y en avait plus. J’ai demandé : « Où sont les gâteaux ? » « Bah, on n’en fait pas beaucoup quand il y a peu de touristes », répondaient-ils. Actuellement, ils font 5 types de gâteaux à tout ce que vous voulez. Je pense que c’est une bonne leçon : ils nous observent et suivent en achetant des boîtes alimentaires, des thermos, des nappes. Avant, c’était juste une table en bois. Aujourd’hui, ils veulent que cela soit joli.

Malgré tous les méchanismes extérieurs qui caractérisent le salon de thé, ce bon projet d’affaires, Youlia en parle comme si c’était quelque chose de spirituel :

— Quand je viens dans le salon de thé et je vois un groupe de touristes très pressés, car ils doivent visiter encore 10 autres endroits, il doit y avoir toujours un guide qui leur rappelle sans arrêt le timing. Mais, à un moment, il prend le thé (ou non), s’approche de la fenêtre et se tait, se tait complètement. En ce moment, je vois que « la rencontre » a eu lieu. C’est très inspirant et c’est ça le but de tout cela.

Au début, on y préparait du borchtch, on faisait nos propres eaux-de-vie, du vermouth et du vin chaud. Mais, progressivement, on a arrêté la viande et ensuite l’alcool.

— Les locaux étaient choqués pendant des mois. Ils essayaient de comprendre le secret de cette décision. Ils ne croyaient pas que nous pouvions renoncer à ce revenu très simple et continuaient à envoyer leurs « agents » vérifier.

Youlia raconte que Pylypets reste toujours un peu inconnu pour elle et a l’air d’un lieu enchanté. Les gens ici se sont habitués à ne rien faire et à recevoir de l’argent pour l’air. Les produits pour le salon de thé sont achetés à Moukatchevo ou dans le district de Mizhguiria, puisque c’est incroyablement compliqué de se mettre d’accord avec les locaux à Pylypets:

— Même si c’est un tout petit accord, ils peuvent modifier le prix, les délais ou refuser complètement de délivrer quoi que ce soit. Et c’est quelque chose que nous devons découvrir nous-mêmes en les appelant : « Vous savez… aujourd’hui, c’est la Saint-Pierre— Saint Vincent — Saint-Jean » ou « Nous n’avons pas filtré le fromage car nos enfants sont venus/partis ». Les mots n’ont pas d’importance et « aujourd’hui » c’est « dans les jours qui suivent », « demain » c’est « dans quelques semaines », « un jour » veut dire « probablement jamais ».

Souvent, les gens ne comprennent pas que la coopération permanente et la collaboration organisée apportent des revenus réguliers. À la campagne, on vit souvent au jour le jour en n’essayant pas de planifier les choses ou trouver une source de revenus stable.

— Je me rappelle d’un épisode. J’ai proposé à un fournisseur de lait de nous l’envoyer chaque jour par le télésiège et nous appeler en indiquant le numéro du siège pour que l’on puisse récupérer les bouteilles. Je ne demandais pas de réduction de prix en tant que cliente fidèle, au contraire, je lui ai proposé même plus pour chaque livraison. Mais, il m’a dit : « J’ai un autre opérateur, il m’est cher de vous appeler ! » Je lui ai promis de rembourser les frais de téléphonie, mais c’était trop compliqué. Après le premier essai, on m’a dit : « Soit vous le prenez vous-mêmes, soit on le donne aux cochons. » Pareil avec les fournisseurs de la brynza qui pendant les fêtes de Noël ont ramené du fromage mais ont voulu un prix trois fois plus cher à cause de la période des fêtes.

Malheureusement, en discutant avec d’autres établissements à Pylypets, nous avons eu l’impression que les gens ne prennent pas au sérieux le salon de thé et ne l’aiment pas, car ce sont les gens de l’extérieur qui sont venus pour profiter du bien des autres. Probablement, peu de locaux peuvent comprendre que les endroits comme le salon de thé sont des aimants des flux touristiques qui viennent ici pour prendre un thé ou un café et s’asseoir près de « cette fenêtre ». Et sur la route ces gens passeront sûrement par l’un de leurs restaurants traditionnels en bas pour manger des varenykys et du borchtch.

L’histoire du salon de thé s’écrit de telle façon que chaque jour ce n’est pas seulement son existence qui étonne quelqu’un, mais, ce sont aussi les clients qui surprennent le personnel.

La messe au salon de thé

— C’était en février, un groupe avec un drapeau est sorti du télésiège et essayait de faire quelque chose dehors, mais finalement ils sont tous entrés dans le salon de thé et ont demandé si ce serait possible d’y faire la messe. Bien sûr que oui, leur dis-je. J’observais ce spectacle restant derrière le comptoir et je voyais ces deux hommes qui commençaient à enlever leurs écharpes, leurs bonnets et leurs vestes et mettre des vêtements liturgiques, des bijoux en or et qui sortaient leurs thuriféraires. Et c’était parti. La messe entière !

Au salon de thé on produit de l’électricité avec le soleil

— C’était une association chrétienne orthodoxe qui organise pour les gens, pour les enfants des voyages pour faire la messe dans des endroits ouverts comme celui-ci. C’était quelque chose d’incroyable. Pendant qu’ils priaient et que le prêtre faisait des tours avec son thuriféraire, les touristes, ayant été sous le vent fort, entraient et ne parvenaient pas à comprendre ce qui se passait. Le salon de thé a tout une autre vue depuis l’extérieur. C’est toujours un choc pour une personne, même quand il fait beau dehors. Il se passe un changement, un passage vers une autre réalité, d’un hiver glacial vers l’ambiance chaude et familiale. Et là, ils entrent et voient des prêtres qui prient. Et ces touristes ne comprennent pas. Est-ce l’église ? Mais, il y a le comptoir de bar, c’est ici où les gens se rassemblent… Et c’est en ce moment où les prêtres délivrent le sermon sur la perte du temps rempli de pensées philosophiques. Le prêtre disait : « Nous n’avons pas beaucoup de temps, mais il faut tout faire à temps ». À l’époque, nous n’étions pas encore habitués à plein de choses au travail. On faisait une certaine quantité d’une boisson et le télésiège arrêtait de fonctionner. C’était les premiers jours du travail et notre système n’était pas parfait. Après le sermon, lorsqu’ils sont partis, j’ai dit à nos garçons : « Vous voyez, le prêtre nous a aussi parlé du temps ». Le lendemain, j’étais partie à Volovets pour rencontrer ma mère et sur le chemin de fer où je traversais j’ai trouvé un colis. Je l’ai ramassé pour le jeter à la poubelle, peut-être y-a-t-il du plastique. Mais, j’ai senti une boîte à l’intérieur. Je l’ai ouvert et j’ai vu une nouvelle horloge.

— Elle était emballée et avait un logo. C’était une horloge brandée. J’ai reconnu le logo. C’était celui de cette association chrétienne. Apparemment, ils prenaient le train et l’ont perdue. Et c’est moi qui l’ai trouvée. Elle est toujours pendue au mur chez nous.

Quarante choristes

— C’était une très belle matinée d’été. Nous nous préparions à l’accueil du public. Un groupe de gens est arrivé et a demandé de rester chez nous car il y avait du vent dehors. Nous sommes un chœur, dirent-ils, peut-on chanter pour vous ? Et tout d’un coup, un chœur de 40 personnes se forme devant moi. Et cela a explosé ! Immédiatement, des larmes ont coulé. C’était la beauté du moment. Beaucoup de moments émouvants et fins se passent ici.

1 km 164 m 50 cm et 5 mm au-dessus du niveau de la mer

— Une autre histoire intéressante. C’était un hiver froid, le télésiège ne fonctionnait pas. Chez nous cela n’a pas d’importance, il y a toujours quelqu’un qui y reste, car parfois il y a des gens qui descendent des montagnes et souvent cet endroit sauve les vies de ceux qui se perdent lorsqu’il fait hyper froid ou pendant la nuit. Et un soir quelqu’un frappe à la porte. Sept hommes complètement désorientés sans même parler rentrent. Ils avaient très froid et on leur a donné du thé. Je les regarde et je vois une sorte de boîtes oranges. Je crois que c’était à cause de ces boîtes que j’ai décidé de poser la question sur l’altitude du point où l’on se trouvait. Deux entre eux se sont regardés et ont commencé à ouvrir ces boîtes et sortir des appareils. C’était comme dans une émission de télé. Ils étaient scientifiques. Ils ont mésuré l’altitude du salon de thé en millimètres. J’ai demandé le résultat et ils m’ont dit : 1 km 164 m 50 cm et 5 mm. Nous avons noté ces chiffres. Ils ne sont pas inventés, c’est la réponse des scientifiques.

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Créer une usine de thé comme au Sri-Lanka

Actuellement, alors que tous les processus au salon de thé sont plus ou moins établis Youlia veut tout porter à un nouveau niveau :

— Je veux que le processus de travail soit parfait à toutes les étapes. Ce sont la récolte, le traitement, l’emballage et la diffusion. En ce moment, je travaille sur les possibilités de la fermentation du thé, du pressage et du séchage. J’essaie d’améliorer sa qualité. Je travaille également sur la marque. C’est encore un processus de naissance. Mais en général, je voudrais créer une usine de thé comme au Sri-Lanka, avec de belles salles où tu vois tous les processus de la préparation, de l’emballage où les gens pourraient voir chaque détail et prendre part à la production, écraser les feuilles du thé des Carpates à la main. Et que ce ne soit pas faux, qu’il y ait des gens qui le feraient, car j’avais l’idée d’automatiser ce processus, au moins l’écrasement de l’herbe. Plus tard, j’ai compris que ce sont deux catégories différentes : mécanique et manuelle. C’est pour cela qu’avant la fermentation, les filles le font à la main. Avant de lancer ce processus, il faut froisser toutes les feuilles, remuer et puis froisser de nouveau, ensuite presser et froisser encore une fois en observant leur comportement et comment elles changent. Tout cela se fait à la main. Ça me ferait plaisir de le regarder et de me trouver dans un endroit où on peut déguster et acheter différents types de tisanes, participer à la production et découvrir de nouvelles choses.

Youlia ne cherche pas spécialement des recettes de boissons, au fait, ce sont les recettes qui la trouvent. C’était le cas avec la recette d’Ivan-Tchai qu’elle a découverte pendant la deuxième année à la montagne. Et c’était pareil avec le sbitène.

— J’étais à Saint-Pétersbourg où j’ai goûté le sbitène pour la première fois dans ma vie. J’étais impressionnée. J’ai tellement aimé la combinaison de saveurs : acidité, épices, douceur et miel. Quand je suis revenue en Ukraine, j’ai commencé à chercher et lire de choses sur cette boisson et j’ai décidé de lui donner une nouvelle vie.

Il ne faut pas du tout penser aux affaires. Tu vis le processus…

Youlia dit que le succès d’un business ne dépend plus de son lieu. Donc, travailler dans une grande ville avec beaucoup de gens où on trouve une bonne base technique n’est plus une garantie du succès.

– Ce n’est plus le temps des business où il faut se mettre sur un carrefour, près de la route ou dans des endroits bondés. Tout a changé grâce à la communication, l’emplacement n’est plus important. Si tu fais vraiment quelque chose de bien, de digne, tu n’as pas besoin de le vendre. Il ne faut pas du tout penser aux affaires. Tu vis juste, tu vis le processus et fais ce que tu peux, ce que tu aimes et c’est tout. Et chaque jour, même les petites nuances comme l’achat d’un nouveau tonneau ou une invention qui peut paraître ridicule pour les autres offrent sans arrêt de la joie enfantine. Je n’y vois pas de coordonnées A et B. C’est juste un processus dans lequel je suis étroitement entré. Et je ne crois pas que le point final a des coordonnées.

«… Et l’endroit lui-même ne permettra pas de tout réaliser »

La chaîne de montagnes Borzhava tient la première place dans les listes de lieux pour le tourisme actif peu coûteux en Ukraine. Il y est le plus facile de commencer ses voyages d’alpinisme. Les prés sont généreusement couverts par la myrtille et les crocus, les villages de Transcarpathie, qui s’étalent au pied de montagnes, nous fascinent par son ambiance, la nature locale et le rythme de vie attirent des milliers des voyageurs chaque année. Et malgré cela, Borzhava résiste à se transformer radicalement en lieu hyper touristique.

C’est un endroit assez spécifique, précise Youlia, plein de différents projets ont été crées pour lui dont la plupart reste sur papier. Soit, dit-elle, il n’y a pas de gens pour l’instant qui se prendraient sérieusement à ce travail, soit c’est l’endroit qui ne permettra pas de tout réaliser.

— Il est comme ça, un peu sauvage et indépendant. Je réalise que je ne suis pas chez moi, je communique tout le temps avec cet espace. Tout au début j’ai demandé à cet espace la permission d’y être, d’y faire quelque chose. Et j’ai senti que oui, que je pouvais. Puis, j’ai commencé à chercher de réels propriétaires terriens, ceux qui le possèdent actuellement.

Youlia toute seule et frêle avec un groupe de co-rêveurs planifient de renaître les traditions du thé des Carpates là où ces dernières avaient été tuées par la collectivisation et le plastique, par l’oubli et le désespoir. Renaître sous une autre forme, sous une autre perception et sous une autre signification. Un tout petit salon de thé à la montagne a montré à beaucoup de voyageurs et même aux locaux quelle apparence, malgré d’être loin, sans eau et sans électricité, peut avoir un lieu de rêve, chaud et de tradition du thé.

Le dossier est préparé par

L'auteur du Ukraїner:

Bogdan Logvynenko

Auteure:

Maritchka Kurylo-Aleksevytch

Photographe:

Valentyn Kuzan

Serhij Polezhaka

Opérateur caméra:

Dmytro Okhrimenko

Monteur:

Dmytro Kochevyi

Réalisateur:

Mykola Nosok

Trascripteur audio:

Serhij Huzenkov

Dmytro Tchernenko

Responsable de contenu:

Kateryna Yuzefyk

Traducteur:

Igor Khorkavyy

Éditeur de traduction:

Adrien Louvet

Coordinatrice de la traduction:

Olga Gavrylyuk

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